Une interruption IN-volontaire de grossesse

 

 

Chaque jour, nous vivons une multitude d’expériences. Les plus mémorables sont souvent celles qui éveillent en nous des émotions. L'intensité émotionnelle d'une expérience forge les souvenirs qui perdurent.

 

Comme toi, j'ai vécu des événements marquants, gravés dans ma mémoire depuis des années, voire des décennies.

 

Un des souvenirs qu’il est encore difficile d’évoquer pour moi aujourd’hui est celui de l’interruption de grossesse que j’ai vécu en 2003. 20 ans plus tard, je me souviens de ma détresse, de toutes ces émotions mêlées.

 

Je me décide à en parler en toute authenticité et vulnérabilité.

 

Lors d’une rencontre en visio dans ma cohorte de formation Quantik Doula, je me suis retrouvée en salle virtuelle avec 3 autres femmes. Je n’avais pas choisi le thème sur lequel nous allions réfléchir et comme le hasard n’existe pas, le sujet était l’IVG.

 

Pour la première fois que je me retrouvais face à plusieurs femmes qui, comme moi, avaient vécu une interruption volontaire de grossesse. Nous nous sommes raconté nos histoires et c’était très émouvant. C’est comme si les souvenirs remontaient à la surface.

 

Mon histoire retrace ce que beaucoup de femmes ont vécu ou pourraient vivre.

 

J’avais 3 enfants et j’allaitais mon bébé depuis sa naissance et je me suis rendu compte que j’avais moins de lait. Je me suis questionnée jusqu’à me dire que j’étais peut-être enceinte. Je n’avais pas eu mes menstruations depuis 11 mois. Cela me semblait impossible. Pourtant, j’ai fait un test de grossesse qui s’est révélé positif.

 

Première vague d’émotions. Ça va dans tous les sens. Je suis émue aux larmes, heureuse de porter à nouveau un bébé. Je déchante en voyant la réaction de mon compagnon qui visiblement, ne prend pas ça du tout pour une bonne nouvelle. Il soulève un point important : comment on va réussir à aimer un enfant qu’on n’a pas désiré ? C’est vrai que jusque-là, j’avais désiré mes enfants et celui-ci arrivait par surprise.

 

Le sujet de l’avortement est un sujet délicat qui soulève des polémiques. Je n’avais jamais imaginé avoir à prendre une telle décision. L’idée de retirer la vie à un bébé m’était insupportable. Devenir maman était ce qui m’était arrivé de plus beau. Je savais déjà à cette époque-là que c’était précieux et sacré de donner la vie. Clairement, je ne comprenais pas les femmes qui faisaient ce choix. Jusqu’à ce que ça m’arrive…

 

Ne sachant pas depuis combien de temps, j’étais enceinte, j’ai pris rendez-vous dans une clinique spécialisée en Haute-Garonne où je résidais à l’époque. Je m’y suis déplacé avec mon bébé, car étant en congé parental, je n’avais pas de nounou. J’ai alors été confrontée à la violence dont peut faire preuve le milieu médical. Les secrétaires m’ont envoyé promener me disant que tant que je viendrai avec mon bébé, elles ne me donneraient pas de rendez-vous et que ce n’était pas possible de le faire par téléphone. Je me retrouvais dans une situation absurde. Aucune écoute, aucune empathie.

 

J’ai dû demander à mon compagnon de prendre un jour de RTT pour pouvoir me rendre à nouveau dans cette clinique simplement pour prendre rendez-vous. J’explique la situation et la secrétaire me donne alors un rendez-vous rapidement.

 

Impossible pour moi d’oublier ce rendez-vous médical. Il a été d’une telle violence.

 

J’explique au gynécologue avoir fait un test de grossesse qui s’est révélé positif et que je ne sais pas depuis quand je suis enceinte étant donné que je n’ai pas eu de retour de couches. (quelle expression !!)

 

Ce médecin parlait peu, ne souriait pas, était hautain et son cabinet était froid, à son image. Il m’a demandé si je prenais une contraception. Je lui ai répondu que j’allaitais à la demande mon bébé depuis 11 mois et que nous nous protégions avec des préservatifs à chaque rapport sexuel. Sa remarque ne s’est pas fait attendre : « Donc vous vouliez être enceinte ! » Non docteur, je ne voulais pas tomber enceinte, je vous dis que mon compagnon met un préservatif. Il insiste et précise que si je ne voulais pas d’autres enfants, il fallait que je prenne la pilule.

 

J’ai vite compris que l’empathie ne faisait pas partie de sa pratique de soignant.

 

Il m’a demandé de m’allonger pour faire une échographie afin de savoir depuis combien de temps j’étais enceinte. Il a insisté pour que je regarde l’écran, que je vois mon bébé. J’ai vu chaque membre de son corps. Je l’ai vu bouger. Je me revois allongée et les yeux embués de larmes à la vue de ce bébé.

 

Il ne me restait qu’une semaine pour me faire avorter dans les délais légaux. J’avais une semaine. J’avais droit à cette semaine de réflexion. Ce médecin ne me l’a pas accordé. C’était un vendredi, il m’a donné rendez-vous à 10 h le lundi pour l’intervention et quand je lui ai demandé de bénéficier du délai de réflexion, il m’a répondu sans me regarder « inutile ! ». Il ne m’a donné aucun détail sur l’intervention.

 

Je suis sortie de son cabinet totalement sous le choc. Je ne m’attendais pas à tant de mépris.

 

J’ai dû y retourner le jour même pour voir l’anesthésiste et faire des analyses de sang. Devant les deux infirmières présentes, je pleurais toutes les larmes de mon corps. Elles ont fini par me demander ce qui m’arrivait. Je leur ai dit que j’allais me faire avorter. J’espérais des paroles réconfortantes, des mots de femmes à une femme perdue et en détresse. Rien. Le silence. Je ne pouvais pas m’arrêter de pleurer.

 

Je vivais un terrible cauchemar. Ce n’était pas possible, j’allais me réveiller…

 

J’ai vécu les deux jours qui ont suivi dans une sorte d’état cotonneux à m’isoler autant que possible et à beaucoup pleurer. J’espérais secrètement que mon compagnon change d’avis.

 

Lundi, il m’a amené à la clinique, m’a accompagné jusqu’à la chambre double dans laquelle je suis restée seule. Il m’a semblé que le temps était figé, j’avais froid. C’est comme si je n’habitais plus mon corps, mais je ne cessais de répéter à mon bébé que j’étais désolée, que je ne savais pas si je saurais l’aimer comme son frère et ses sœurs. La culpabilité et le doute me rongeaient.

 

On m’a attribué un calmant. Je suis descendue au bloc et je suis remontée un moment plus tard dans cette chambre qui était maintenant occupée par une autre femme. Je me suis étendue en lui tournant le dos. Je me sentais vide. Je ne réalisais pas. Le médecin n’est pas passé me voir pour me dire comment ça s’était passé. J’ai simplement vu une infirmière me disant que je pouvais sortir. Mon compagnon est revenu me chercher. J’ai affiché alors un sourire sur mon visage pour que mes enfants ne me posent pas de questions. Et la vie a repris.

 

J’en ai parlé à mes enfants quelques mois plus tard. Je leur ai dit qu’ils auraient pu avoir un petit frère. À l’échographie, j’était sûre que c’était un petit garçon. Je me souviens qu’ils ont dit qu’on aurait pu le garder. Cette pensée est restée des années. Bien sûr, on aurait pu le garder...

 

Cette décision a été la plus difficile à prendre de ma vie. Le pire a été le sentiment de solitude. De ne pas me sentir comprise et soutenue par mon compagnon et encore moins par le corps médical.

 

Quelque temps plus tard, j’ai vu un médium qui m’a dit que l’âme de ce bébé savait qu’elle ne ferait qu’un court passage sur Terre et qu’elle me remerciait de l’avoir accueillie dans mon ventre. Vivre en moi quelques semaines lui avait permis une guérison. Ça a été un début de soulagement.

 

J’ai fait plusieurs rituels au fil du temps pour apaiser l’émotion qui m’avait tant submergé. La colère, l’injustice, la tristesse, la culpabilité… Les sentiments qui ont découlé de cette décision de ne pas garder cet enfant ont été nombreux. En thérapie, en explorant la psychogénéalogie et en plongeant dans le transgénérationnel, j'ai réalisé que cette IVG avait une signification profonde, une façon de guérir la lignée des femmes de ma famille. En effet, dans ma lignée maternelle, plusieurs avortements ont eu lieu, vécus sans conscience, sans amour, et dans le déni du sacré. Les âmes n'ont pas été accompagnées. Cet acte a été banalisé.

 

C’est comme si des décennies plus tard, cet avortement, avait été une décision prise au-delà de moi, une interruption IN-volontaire de grossesse, tel un prolongement de ma lignée.

 

Avoir traversé ce que j’estime avoir été une épreuve dans mon parcours de femme me permet aujourd'hui d'accompagner les personnes qui vivent une interruption de grossesse, quel que soit le contexte, avec compréhension, compassion, écoute et soutien.

 

Le nombre d'interruptions volontaires de grossesse a augmenté en 2022, atteignant son plus haut niveau depuis 1990.

 

Prendre la décision de se faire avorter n'est jamais facile. Souvent, ce choix résulte de circonstances complexes qui rendent difficile la poursuite de la grossesse, que ce soit pour des raisons médicales ou personnelles. Et même en l'absence du désir d'avoir un enfant, faire le choix d'avorter reste une décision délicate.

 

Accompagner une personne dans ce processus peut être profondément guérisseur. Cela permet d'apporter des informations essentielles. L’avortement peut être vécu de façon différente et respectueuse des besoins de la femme. Les rituels liés à cette expérience offrent la possibilité d'acquérir les connaissances nécessaires pour comprendre les événements survenus. Ce qui permet de se responsabiliser vis-à-vis de ses choix, d’éviter de tomber dans le déni, le tabou et le non-dit. Ce qui a forcément un impact d’un point de vue transgénérationnel et de vivre de façon plus holistique son cycle.

 

La prise de conscience qui découle de cette responsabilisation crée un espace où la vie future peut être véritablement éclairée. Cela éloigne de la répétition d'erreurs, puisque nous faisons face à nos choix plutôt que de les nier. En brisant le silence, en assumant ses décisions, nous ouvrons la voie à la possibilité de demander de l'aide et de recevoir des conseils pour mieux naviguer dans notre parcours.

 

Un aspect particulier des interruptions volontaires de grossesse est que les émotions peuvent remonter des années plus tard, à la naissance d’un autre enfant, à la ménopause ou face à tout autre événement. Il n’est jamais trop tard pour en parler et se faire accompagner. Cela peut se faire en individuel ou en cercle de femmes. Poser des mots est un début et le faire dans un espace bienveillant et non jugeant est indispensable.

 

Être Doula, c'est être au service du monde des naissances et des transformations et parfois, la grossesse ne donne pas vie à un bébé.

 

Je suis à ton écoute si tu en ressens le besoin.

 

 

 

Avec amour.

 

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Catherine Martin

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